28/12/2013

Moi, peut-être, un jour...

J'ai beaucoup voyagé dans les régions glacées et beaucoup lu des récits de voyages polaires, mais jamais je n'en ai lu un comme celui-ci. Dans " Moi, peut-être, un jour," le journaliste littéraire britannique Francis Spufford nous offre un panorama des faits et des aléas de l'exploration polaire tout en s'attardant sur le sens à en tirer. Dans de moindres mains, une telle tentative eut pu entraîner baudruche après baudruche. Mais Spufford a l'esprit si engageant avec un regard si précis sur les fous du pôle que ce livre est vraiment un instantané d'une transparence cristalline. Son but est d'expliquer pourquoi, de 1775 à 1913, l'extrême nord et l'extrême sud comptèrent tant pour les explorateurs anglais et pour le public qui suivit avidement leurs progrès. Inutile de dire qu'il n'y a pas de réponse simple; et, comme les héros eux même, Spufford semble révéler davantage en route qu'à l'arrivée. C'est un voyage qui l'emmène de l'argot aux rimes Cockney aux propriétés de 1a vitamine C et des théories fumeuses d'un cosmologiste américain aux ficelles des prouesses de l'explorateur en chambre de classe mondiale: Sir Clements Markham (qui inspira la tentative malheureuse entreprise par Robert Falcon Scott d'arriver le premier au pôle sud.) En chemin, Spufford habite des œuvres de fiction telles que " l'histoire d'Arthur Gordon Pym de Nantucket " de Poe, "Moby Dick" de Melville et plus spécialement "Frankenstein" de Marie Shelley qu'il mêle sans plus de façon à la vie de son auteur avec Percy, son bonnet de nuit de mari. Et où les écrivains. du grand nord les plus imaginatifs tentaient de jouer les mâles exploits héroïques contre le majestueux pari temporel des femmes à la maison. Mary Shelley, écrit Spufford, " fit quelque chose de plus rare encore, elle damna le pôle nord en anatomisant les attractions du vide dans une sensibilité masculine particulière." Romantique, autonome et désirant toujours excéder les limites du corps humain. Tout ceci arriva peut-être parce qu'elle se démarquait calmement, dans "Frankenstein" d'un état d'esprit bien trop familier en la personne de son mari, dont l'idéalisme ne s'embarrassait de conséquences. Sur un plan moins exaltant se situe le bouillonnant John Cleves Symmes qui, dans les années 1830-40 fit le circuit américain de conférences, proposant des interprétations délirantes sur des trous dans les pôles et la terre creuse. Beaucoup rirent de lui mais ils trouva quelques suiveurs qui attribuèrent son accueil moqué à une conspiration officielle. Malgré ces camaïeux littéraires américains et des références sporadiques à la quête de Robert Perry pour le pôle nord, Spufford se concentre sur la passion polaire britannique. Un joli passage et une explication de la condamnation presque universelle du Norvégien Roald Amundsen, comme pillard par les Anglais, pour avoir oser, concourir avec Robert Scott dans la course au pôle sud qui débuta en 1910." Amundsen offensa les vues britanniques sur l'esprit sportif," Spufford écrit: " Il transgressa l'idée que le pôle sud...ne comptait pas comme ailleurs, mais était une sorte d'annexe sauvage de l'Angleterre..." Scott vogua vers l'antarctique dans un corridor impérial, il s'en alla à l'autre bout de la terre sans jamais quitter les scènes que St James's Park en donna. Il passa par les endroits les plus reculés. Ses vaisseaux firent escale au Cap pour avitailler, ensuite à Melbourne où des scientifiques australiens embarquèrent et finalement à Lyttlton en Nouvelle-Zélande pour les arrangements finaux et les adieux. Nulle part sur la route Londres Le Cap-Lyttlton à l'île de Ross, l'expédition ne toucha un port dont la langue anglaise n'était pas maîtresse, Où la monnaie n'était pas du même format, de la même dénomination en Livres, où les officiers n'étaient pas nourris de mouton et de sherry par les notables locaux et où la troupe ne pouvait aller à la taverne. L'ultime trahison, naturellement, fut qu'Amundsen y arriva le premier. Spufford s'aventure un contrepoint magnifiquement maîtrisé de ce fait glacé découvert par Scott. Les géomètres fous avaient raison, Jules Verne avait raison. Il y a quelque chose au pôle sud. C'est un drapeau norvégien. Et pire encore, Amundsen survécut et Scott pas. Roland. Hundford dans un livre appelé "Scott et Amundsen" a mis à mal l'image de Scott en tant qu 'explorateur compétent par la narration brillante des expéditions jumelles. Mais, l'échec de Scott renforce par ces lettres interminables, ces commentaires écrits et enregistrés par lui et ses hommes avant qu'ils ne meurent de faim et de froid à moins de vingt kilomètres de leur prochain point de ravitaillement ont davantage impressionner l' imagination populaire que le succès sans accrocs d' Amundsen. Ainsi, '"moi, un Jour, peut-être" ( ce furent les dernières paroles d'un compagnon de Scott qui, un jour, sortit de la tente en quête d'un suicide qui le soulagerait. L'auteur termine avec une récréation spéculative sur le soliloque mental final de Scott et c'est le numéro de bravoure de l'ouvrage. "Moi, peut-être, un jour "' demande un peu de patience. Il montre, avec évidence, ses origines issues de périodiques. Mais, à la page 50 Spufford atteint son but et y si vous ressentez quelque intérêt pour l'éthologie des voyages extrêmes, vous ne serez pas laisse en chemin.

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