21/12/2013

Un meurtre au palais épiscopal

Quentin Durward, jeune Ecossais engagé dans la compagnie d'archers écossais de la garde de Louis XI est envoyé, pour conduire Isabelle de Croy, une jeune héritière bourguignonne échappée d'un mariage avec un vieux et laid courtisan de Louis XI afin de la mettre sous la protection de l'Evêque de Liège. Il la sauve de nombreux périls et, finalement, gagne sa main en tuant Guillaume de la Marck, le sanglier des Ardennes. L'histoire s'inscrit dans les intrigues de Louis XI contre Charles le téméraire et de la révolte de Liège (1468). La scène suivante se passe après le détrônement et la capture de l'Evêque de Liège, Louis de Bourbon, par la bande de Guillaume de la Marck et les citoyens rebellés. Il ne pouvait exister un changement plus horrible et plus étrange que celui qui s'était passé dans le corridor du château de Schönwald après que Quentin y eût partagé le repas de midi. A la table, assis sur le trône de l'Evêque, trainé de la chambre du conseil, le redouté sanglier des Ardennes lui-même, qui méritait bien ce nom abhorré qu'il affectait d'apprécier et faisait tout ce qu'il pouvait pour le rendre encore plus redoutable. Sans casque, mais portant le reste de son armure lourde et brillante, qu'il abandonnait rarement, avec sur ses épaules, une forte et large cape, faite de la peau tannée d'un grand sanglier sauvage, munie d'attaches et de nœuds d'argent pur. La peau de la tête de sanglier ainsi arrangée, que "portée par dessus le casque, quand le baron était armé, ou sur la tête nue comme un capuchon ce qui lui arrivait souvent quand il ne l'était pas, telle qu'il la porte maintenant, créait l'effet d'un monstre grimaçant et horrible qu'il abandonnait rarement et qui faisait partie du naturel de son expression ordinaire. Les soldats et les officiers, assis autour de la table, mélangés aux hommes de Liège, dont certains de la plus basse extraction, parmi lesquels Nikkel Blok, le boucher, placé aux côtés du sanglier des Ardennes, se distinguait par des manches relevées montrant des bras tachés de sang jusqu'aux coudes, comme l'était le merlin posé sur la table devant lui. La plupart des soldats portaient des longues barbes en désordre, imitation de celle de leur maitre, avec des cheveux hirsutes et tournés vers le haut de façon à augmenter la férocité naturelle de leurs apparences, et intoxiqués, comme beaucoup d'entre eux semblaient l'être, en partie par la conscience de leur triomphe et en partie par les grandes libations de vin qu'ils avalaient à grandes gorgées, ils présentaient un spectacle à la fois hideux et dégoutant. Le langage qu'ils employaient et les chansons qu' ils chantaient, sans même s'écouter les uns les autres, dégoulinaient de licence et de blasphèmes.


Les préparatifs de la fête furent aussi désordonnés que la compagnie.Toute la vaisselle d'argent du Prince, et même la vaisselle sacrée, ce que le sanglier ne percevait pas du tout. comme un sacrilège, se trouvait mélangée à des dame-jeannes, à des outres de cuir et à des cornes à boire des plus ordinaires. Un frisson s'éleva quand l'Evêque de Liège, Louis de Bourbon se trouva trainé dans le corridor de son propre palais par une soldatesque brutale. L'état de sa barbe et de ses cheveux témoignait des mauvais traitements déjà reçus et quelques uns des vêtements sacerdotaux dont il était affublé semblaient le revêtir de manière à ridiculiser sa fonction et son caractère. La scène qui suivit fut courte et effrayante. Quand le malheureux prélat fut tiré aux pieds de la chaise de ce chef sauvage, cet homme autrement remarquable par son tempérament conciliant et sa bonne nature, montra en ces instants déplorables, une noblesse digne de la vieille race de laquelle il descendait. Sa tenue était composée et sans crainte; ses gestes, quand les rudes mains qui le poussaient en avant enfin le lâchèrent, demeurèrent nobles et résignés à la fois, dans une attitude tenant de l'aristocrate féodal et du martyr chrétien. A ce point que de la Marck lui-même se trouvait étonné par un comportement aussi ferme du prisonnier qui lui rappelait les indulgences données jadis, là, sa résolution faiblit,il baissa les yeux et c'est seulement après avoir bu un grand gobelet de vin d'une manière insolente, qu'il s'adressa à l'infortuné captif : " Louis de Bourbon," dit le féroce soldat respirant fort et serrant les poings, grinçant des dents en usant aussi d'autres actions mécaniques pour augmenter et maintenir la férocité native de son tempérament, " J'ai recherché ton amitié et tu l'as rejetée, que ne donnerais tu pas pour qu'il en soit autrement aujourd'hui!...Nikkel, tiens toi prêt." Le boucher se leva, saisit son arme et attendit derrière le trône du sanglier. "Regarde cet homme, Louis de Bourbon," répéta de la Marck, "Que m'offres-tu pour échapper à ton supplice?" L'Evêque jeta un regard mélancolique mais impavide sur l'affreux satellite, qui se préparait à exécuter la volonté du tyran et dit avec fermeté: " Ecoute-moi, Guillaume de la Marck et vous bonnes gens, si il y a quelqu'un qui mérite ce nom, écoutez ce que seulement j'offre à ce bandit: Guillaume de la Marck, tu as livré à la sédition une cité impériale, tu as pris d'assaut le palais d'un Prince du Saint Empire Romain Germanique, égorgé son peuple, pillé ses biens, maltraité sa personne; pour ceci, tu seras banni de l'Empire et déclaré hors-la-loi, fugitif, sans terre et sans droits. Mais tu as fait encore bien plus que tout ceci, tu as tellement trahi les lois des hommes que leur vengeance te poursuivra pour toujours, tu as brisé le sanctuaire du Seigneur, porté des mains pleines de violence sur un père de l'Eglise, souillé la maison de Dieu de sang et de rapines, comme un voleur sacrilège."

" As tu fini maintenant ? " dit de la Marck l'interrompant brusquement en tapant du pied "Non ", répondit le prélat , " Je ne t'ai pas énoncé les termes que tu m'as demandé." "Vas-y", dit de la Marck, et j'espère qu'ils me plairont plus que ton préambule, ou malheur à toi, tête grise." Il se rejeta en arrière sur son siège, grinça des dents jusqu'à ce que de la mousse sortit de ses lèvres comme de la gueule du fauve dont il portait le nom et la dépouille. " Voilà tes crimes," reprit l'Evêque avec une calme détermination," Ecoutes les termes par lesquels en tant que prince charitable et que prélat chrétien, oubliant toute offense personnelle et toute injure particulière, voici ce que je condescend à offrir. Disperse tes chefs, renonces à ton commandement, libère les prisonniers, restitues les pillages, distribues ce que tu détiens pour soulager ceux dont tu as fait des orphelins et des veuves, revêts un sac, prends ton bâton de pèlerin et pars en pèlerinage à pieds nus à Rome et nous intercèderons pour toi devant la Diète Impériale de Ratisbonne et avec l'aide de Notre Saint Père Le Pape, peut-être pourrions nous sauver ton âme misérable." Pendant que Louis de Bourbon parlait ainsi sur un ton aussi décidé que s'il occupait toujours le trône épiscopal et comme si l'usurpateur se trouvait suppliant à ses pieds, le tyran se redressa lentement dans sa chaise, l'étonnement dont il était d'abord rempli se transforma graduellement en rage, quand l'Evêque cessa son discours, il regarda Nikkel Blok, leva son doigt sans dire un mot. Le scélérat frappa comme s'il faisait son office à l'abattoir et l'Evêque assassiné, s'écroula, sans un cri, au pied de son propre trône.

 

 

(...) Walter Scott, Quentin Durward, 1823.

 

Louis de BOURBON - Prince-Evêque de LIEGE - né 1437 - + assassiné Liège 1482 - 3 enfants: Pierre de BOURBON, Baron de BUSSET - Fils illégitime de Catherine d'EGMONT - né aux Pays-Bas 1464 - + 1529 - m.1498 Marguerite de TOURZEL d'ALEGRE, Dame de BUSSET (+ 1531) - Il fit la branche des Comtes de BOURBON-BUSSET qui existent encore actuellement Louis de BOURBON - Fils illégitime de Catherine d'EGMONT - né 1465 Jacques de BOURBON - Fils illégitime de Catherine d'EGMONT - Grand Prieur des Jésuites en France - né 1466 - + 1537

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