18/06/2013

Mœurs et coutumes de l'Angleterre sous les Tudor

Le luxe et la richesse augmentent chez les marchands de cette période et mènent des changements sociaux considérables, notamment, l'avènement de classes moyennes puissantes. Les nobles décimés par les guerres civiles et leurs propriétés, dans une large mesure, se trouvent confisquées, divisées ou aliénées. La pairie spirituelle, sera destinée à être humiliée par la Réforme, quand l’Église est dépouillée de sa richesse et de son indépendance. Dans cet état, le propriétaire terrien est pauvrement logé dans des bâtiments de bois et de branches plâtrées, occasionnellement on peut voir une cheminée, sinon, autrement il n'y a pas de place pour quelque confort que ce soit. Ils dorment sur de la paille recouverte de drap grossier avec une bûche comme oreiller. Ils utilisent des couteaux et des cuillères de bois. Le pain de blé est une gourmandise pour personnes de rang, l'orge et le pain de seigle comme les fèves et le gruau constituent l'ordinaire du fermier et ses domestiques. Les femmes entreprennent leurs propres travaux ainsi que ceux des hommes, au dedans comme au dehors. Même sous le règne de Henri VIII, les loyers doublent et les tenanciers des petites fermes ne peuvent plus se maintenir. La valeur augmentée de la terre mène à la clôture de tout ce qui peut l’être y compris les terres sans valeur agricole, qui servaient jusque là de pâtures aux pauvres gens. De nombreux fermiers sont réduits à la condition de salariés. Les gentilshommes ne sont plus capables de maintenir la tenure de leurs ancêtres. Leurs grandes maisons sont désertées pour la vie en ville. Les terres arables sont transformés en pâturages puisque la laine est la plus demandée. On n' attend toutefois pas longtemps pour que toutes les classes ressentent une amélioration. Les fermiers sont mieux nourris, logés dans de substantielles maisons en pierre, ils possèdent des crachoirs et de la vaisselle d'argent, de luxueux lits de plume et ils détiennent plusieurs années de loyer. Les mécaniciens se retrouvent, à cette époque, à même de «  garnir leurs tables de plats et de belles nappes,leurs lits de tapisseries et leurs pieds de bas en soie. Les jardins s'enrichissent de nouvelles et nombreuses variétés de plantes. Des villes manufacturières s'élèvent un peu partout, dépeuplant les vieilles cités en attirant le monde agricole, donnant de l'emploi à la multitude d'oisifs improductifs démissionnés des couvents. L'abolition des institutions monastiques restitue 50.000 individus à la société et celle des vœux de célibat, 100.000. La rapacité et la spéculation, pour la circulation des biens, sont extrêmement répandus. Les méthodes du commerce sont très élémentaires. La législation procède entièrement de l'idée que le commerce n'est avantageux que dans l'échange monétaire, elle bat le troc en brèche, L'usure est dénoncée pour le prêt à intérêt, parfois totalement interdite et de temps en temps permise à taux fixe.

Les découvertes maritimes ouvrent le commerce d'Angleterre et les échanges se développent avec des pays lointains. Mais les étrangers sont plus avertis que les Anglais. Ils installent leurs agences et s'enrichissent immensément, parmi les londoniens, à leur grand dam. En 1517, une conspiration importante est mise en œuvre pour massacrer tous les étrangers. 300 complices sont pendus pour la participation à cette affaire connue pour longtemps sous le nom de «  le mai du mal » bien que la seule victime fut Lincoln le carillonneur. La perte de Calais constitue un désastre pour le commerce britannique. Cette cité qui resta longtemps l'étape principale du transfert de marchandises anglaises. Le trafic est redirigé vers Bruges qui le partage avec Anvers aux lisières du commerce espagnol de l'Inde, jusque la capture et le sac de la ville fameuse par le Prince de Parme en 1585. Le commerce d'Anvers est dispersé. La Hollande y gagne son commerce de poissons, Leyde ses lainières, Harlem et Amsterdam ses commerces de tissu. Un tiers de ses manufacturiers et de ses marchands se transportent en Angleterre, ils donnent une telle impulsion à la manufacture anglaise et on peut dire que ses branches les plus importantes datent de cette époque (1553,1555,1571,1588 etc...). Les foires sont les étapes annuelles les plus importantes pour le gros, le demi-gros comme le détail, celle de Bartholomew, tenue à Smithfield est la plus considérable. La sidérurgie et la ferronnerie du Kent, du Sussex et du Surrey expérimentent des changements importants dus à la rareté croissante du bois et par la découverte de minerai de fer dans les districts charbonniers des comtés du nord. En 1584 toute construction de sidérurgie nouvelle est interdite dans le sud. Avec l'amélioration du commerce, celle des routes devient nécessaire. En 1566, des messagers voyagent jour et nuit pour porter les missives des évêques au Gouvernement, ce qui demande 40 heures pour 100 kilomètres. Les rues défoncées de Londres sont pavées mais continuent à rester « incommodantes, incertaines et dangereuses » pour de nombreuses années. A l'époque de Marie, des surveillants sont préposés à chaque paroisse, afin d'assurer la réparation des routes. Six actes, à ce sujet, sont passés durant son règne et dix-neuf sous le règne d’Élisabeth. Les demeures domestiques des Tudor et de la période élisabéthaine, en particulier, sont remarquables pour leur élégance sans cesse améliorée. Elles abondent de fenêtres pittoresques et spacieuses, de poivrières et de colombages, de dômes au style italien, de chenets ornementés, de parpaings ainsi que des nombreuses formes de l'architecture lombardo-vénitienne introduites par Jean de Padoue. Les fenêtres sont fixes de la plupart de ces immeubles et la ventilation y est inconnue. Les cheminées restent des éléments de luxe plutôt que de nécessité.

Le vêtement de l'époque se distingue par des manches à lacet et à tube. Le costume de guerre par le casque de guerre à la forme du crane. Les dames adoptent le col raide ou fraise d'une taille énorme. Les processions royales sont la cause de terribles difficultés pour la noblesse et ses ressources ruineusement taxées afin de maintenir exactement le nombre de ses commensaux. La reine Élisabeth, commande 24.000 chevaux, en une fois, pour son transport et celui de sa suite. On pense que de telles faveurs sont accordées aux sujets que la richesse rend dangereux ou trop indépendants. A l'approche de la Couronne, le peuple tombe à genoux et les courtisans observent la solennité cérémonielle du prêtre à l'autel, quand ils mettent la vaisselle à la table royale ou l'offre à la reine Élisabeth. Les citoyens riches se moquent de la royauté accompagnés de leurs apprentis armés de gourdins portant des lanternes. Élisabeth et Henri VIII, tous deux apprécient les pages, les spectacles,les mascarades et la pantomime, On parie sur les taureaux, les ours, les combats et les chants de coqs sont populaires, plus particulièrement le dimanche. Relativement aux punitions barbares de la torture et du bûcher, alors si communs. Le volume du bol alimentaire diminue, il est plus raffiné, associé à des occupations sédentaires. On prend les repas à huit, douze et six heures du soir. Quand le maître et ses invités ont dîné, leurs commensaux prennent leurs places et ce qui reste est distribué aux pauvres qui attendent à la porte de l'homme riche. On se nourrit à l'aide de couteaux, de cuillères et avec les doigts, les fourchettes sont inconnues.

Les tavernes se multiplient à l'excès et les habitudes d'ivrogne prévalent tristement. L'habitude de fumer s'installe ainsi que les courses de chevaux. Les jurons deviennent très communs dans toutes les classes. Le gouvernement parental est sévère et patriarcal. Les enfants se s'aventurent pas à parler ou à s'asseoir en présence de leurs parents si on ne les sollicitent pas. Ils regardent leurs parent avec plus de crainte que d'affection. Les mariages sont contractés dès l'enfance sans aucune option possible de la part des enfants.

Des festivités telles le jour de noël, l’Épiphanie, le jour de la charrue (premier lundi après l’Épiphanie), qui marque le début de l'année agricole, le premier mai et ses vierges laitières, les danseurs folkloriques dont les nombreux aspects sont trop longs à évoquer ici. Les nuits d'été, sont dûment observées. D'abord, les laboureurs cherchent un bénéfice en levant des contributions. La bûche est brûlée le soir de noël, c'est un présage favorable si elle se consume jusque la fin du jour de noël. Le jour de mai célèbre la déesse Flora. Les danseurs sont affublés de clochettes de tailles diverses. Le solstice est célébré la veille de la fête de Saint Jean l’Évangéliste. On entretient les feux jusque l'aube. Le Dimanche des Palmes, célébré avant la Réforme représente l'entrée du Christ à Jérusalem. On traîne un âne de bois à roulettes hors de l'église, monté par un homme censé représenté le Sauveur, devant lequel les prêtres et les gens se prosternent en lançant des branches et des fleurs. Le jour de l'an, les cadeaux sont librement échangés, le soir, un punch fait de bière ou de cidre épicé est mené porte à porte par les filles que chacun puisse en goûter. Le Jeudi-Saint est le jour ou le riche professe son humilité en lavant les pieds de certains pauvres, à la manière du Sauveur. Lors de la Saint Valentin, s'exprime la célébration coutumière de quelque dieu de l'amour. Elle fut rechristianisée par l'église de Rome. Les jeunes filles et les jeunes hommes dessinent sur des bouts de papier sur lesquelles sont écrits le nom de chaque parti, appariés ,ils anticipent des chances à former des couples pour l'année à venir. La première personne célibataire vue, ce matin là, montre la voie du destin.

Les bières d'église, les bières de Pâques, celles de Pentecôte sont les moyens qui permettent d'obtenir de l'argent pour réparer l'église. Le prêtre confectionne une bière appréciée vendue dans la cour de l'église et dans l'église elle-même. Ce qui ne manque pas d'encourager les excès sous l'excuse de l'indulgence dont bénéficient les causes saintes. Les veillées, qui trouvent leurs origines dans la consécration des églises ou lors de la célébration d'un saint, quand c'était la coutume de garder vigile toute la nuit. De telles pratiques, telle la messe de minuit dégénèrent en usage profane et deviennent l'occasion de débauches.

La mendicité systématique de cette époque montre à quel point la grande misère fraie avec la plus grande des prospérités, spécialement pendant les révolutions sociales. Leurs curieuses coutumes qui se rencontrent partout ailleurs, jusque aujourd'hui, sont l'expression de notre propre société et d'autres plus lointaines. On mentionne, à plusieurs reprises, l'interdiction faite aux étudiants anglais de mendier, excepté avec l'autorisation de leur chancelier. Les mendiants assemblés en grand nombre errent sur le pays en créant la terreur et les gens se trouvent impuissants à résister à leurs demandes. Les punitions étaient par voie de conséquence très sévères. Les vagabonds sont attachés nus à une charrette et flagellés à travers la ville. On y met aussi le feu, on les mutile, on les emprisonne. De plus, on peut les saisir de corps et les mettre au travail, marqués de la lettre V. Si ils tentent de s'échapper, ils sont marqués d'une lettre S au front ou sont condamnés à mort comme félons. Sous Henri VIII, il est dit que 73.000 personnes, voleurs ou vagabonds, subissent la mort et que durant le règne tardif d’Élisabeth, de 300 à 400 criminels par an sont exécutés sur l'échafaud. L'influence de la bible traduite et la séparation de Rome induisent d'importants changements dans la vie sociale tout comme dans les pratiques religieuses et les doctrines. L'exercice du jugement privé dans les affaires de foi et de conscience, mène rapidement à l’indépendance et à la confiance en soi qui deviennent des traits nationaux Les manières et la morale ne sont plus jugées par l'indulgent code romain, par les épaisses conventions de la doctrine propre du Christ.

  • Source: Reed's manual of systematic history,Jarrold & Sons, 12 Paternoster Row, London 1871

23:43 Publié dans histoire | Lien permanent | Commentaires (0)

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